Chirac escalator

Chirac escalator

La mort aura donc privé l’ancien président Jacques Chirac de l’une de ses sorties rituelles et récréatives. Oui, dimanche prochain aura lieu dans Paris le 45ème championnat du monde des descendeurs d’escalators montants et Jacques Chirac, qui en fut le parrain de longues années après avoir été un des praticiens émérites de cette discipline sportive essoufflante, manquera cruellement aux meilleurs descendeurs accourus du monde entier pour se mesurer aux prestigieux escalators ascensionnels de la Ville Lumière.

Maire de Paris, il avait grandement œuvré à l’installation massive d’escalators dans tous les points de la Capitale, il avait enjoint la RATP d’équiper ses stations de métro d’escaliers mécaniques performants tant il craignait, au regard des concurrences anglaises ou américaines, que les descendeurs français d’escalators montants manquassent de sites d’entraînement idoines pour conquérir les glorieux podiums des compétitions internationales et monégasques. C’est à lui que nous devons, au prix d’un financement occulte dont il conservait jalousement le secret, l’édification de l’escalator de la mairie de Paris et chacun se souvient, parmi les adjoints et les fonctionnaires, des concours ébouriffants de descente de cet escalator montant qu’il arbitrait lui-même en remettant au gagnant une caisse de Corona.

Premier ministre de François Mitterrand, il fut contraint d’en rabattre sur cette passion tapageuse que ne prisait pas du tout l’ombrageux sphinx de l’Élysée. À peine put-il, et au prix de ruses enfantines éculées, se rendre quelques jours dans l’année à quelques compétitions régionales de descente d’escalators montants, dans des gares tant obscures que corréziennes ou dans des supermarchés suburbains. Du monde entier cependant affluaient les témoignages de vénération et sa collection d’escalators est devenue légendaire parmi les « escaladores », puisque c’est de ce nom que se parfument les aficionados de la discipline.

C’est en tant que président de la République que le projet politique prioritaire de Jacques Chirac a pu réellement prendre un envol spectaculaire. Après avoir constaté les innombrables accidents frappant les classes populaires les plus impatientes de descendre les escalators montants, il entreprit de réduire la « fracture sociale » par la démocratisation sécurisée de ce sport d’élite en se fixant un objectif ambitieux de baisse des jambes et bras cassés. Des normes antidérapantes drastiques furent imposées aux consciencieux industriels tandis que le nombre d’escalators installés explosa en France et dans les colonies. Dès lors, parallèlement au foisonnement des pratiques amateures hexagonales de la descente d’escalators montants, les champions français dominèrent la discipline et purent, selon la tradition de ce sport viril, cracher à la figure de leurs ridicules adversaires anglo-saxons.

La vieillesse l’éloigna tristement des escalators quoi qu’il tint, ces dernières années, à promouvoir la pratique handisport par l’homologation olympique de la descente d’escalators montants en fauteuil. Cette pratique à haut risque ne le découragea pas et on le vit, il y a encore quelques années, descendre avec la prestance du vieillard sénile un escalator montant en fauteuil en moins de deux heures.

Il n’eut cependant pas conscience, et c’est heureux pour lui, de l’effroyable dissidence qui agita les descendeurs d’escalators montants quand un quarteron de factieux ambitieux et retors se lancèrent dans l’aventure d’une immonde hérésie que Jacques Chirac aurait repoussé de ses maigres forces : la montée d’escalators descendants. Honte à eux !

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