Molière metoo
On ne m’ôtera pas de l’idée que c’est quand même une heureuse découverte : des chercheurs français – en est-il d’autres de par le monde d’aussi vaste érudition ? – sont parvenus à déterminer sans désormais l’ombre de la queue d’un doute et grâce à des trésors de finesse philologique que Molière était bien Molière et que Corneille n’était pas l’auteur caché des Fourberies de Dandin ou du Bourgeois Imaginaire. Qui donc a écrit l’œuvre de Molière ? Il n’est pas interdit de suggérer que cela pourrait être Molière lui-même mais le Gouvernement ne s’autorise pas à garantir une assertion à ce point audacieuse.
Toujours est-il qu’il était grand-temps que l’usurpation cornélienne sur l’œuvre de Molière soit révoquée sans ménagement alors que nous avons tous connaissance des comportements déplacés et pour tout dire hautement condamnables de ce vieux vicelard masculiniste dont l’acmé de l’abjection culmine avec le harcèlement inlassable de la jeune et belle actrice Marquise Du Parc, ne rechignant pas, dans un SMS devenu trop fameux, à l’odieuse menace d’une déconsidération publique ici et pour les générations futures :
Chez cette race nouvelle,
Où j’aurai quelque crédit,
Vous ne passerez pour belle
Qu’autant que je l’aurai dit.
Et sans aller jusqu’au ridicule d’appeler au boycott des pièces parfois grandioses dudit Corneille, peut-être devrait-on songer, pour oublier l’homme répugnant sans négliger l’œuvre, à revendiquer pour Molière les comédies et les tragédies attribuées à Corneille. Oui, Molière, qui fut le thuriféraire splendide de la cause féminine tout autant qu’un constant et admirable cocu, est bien la figure moderne qui convient à notre chaste siècle pour recouvrir de son génie les Stances du Cid ou les rodomontades de l’Illusion Comique.
C’est entendu, j’en signe le décret ce dimanche et l’adresse illico aux universitaires soulagées et éditeurs soucieux de leur chiffre d’affaires : L’esprit public et la vertu aux abois commandent que désormais Molière soit désigné comme l’auteur des œuvres du ci-devant Corneille.
J’ouvre ainsi la voie – c’est bien ce que l’on attend d’un vaillant Ministre du Dimanche – aux prochaines réparations des injures faites au beau sexe par d’exécrables pignoufs qui se parfument du titre d’artiste. Il m’est parvenu aux oreilles d’effroyables rumeurs selon lesquelles un obscur cinéaste originaire du fin fond d’une cuve à vodka poméranienne prétendrait que la grandeur de son œuvre devrait lui épargner le cruel discrédit de ses copieux débordements priapiques. Que nenni ! Et nous verrons bientôt, sur les façades de nos cinémas à quel·le vertueu·x·se quoique forcément génial·e artiste·e nous attribuerons le Bal de Rosemary ou Tess le Pianiste. Ah, ils pensaient sauver leur postérité à défaut d’éviter les prétoires, ces fornicateurs invétérés mais puisqu’on revendique ici ou là que l’œuvre soit dissociée de l’auteur, qu’à cela ne tienne, nous légiférons au-delà de toute espérance et réparons ainsi les insupportables inégalités transsectionnelles qui suggèrent honteusement que le talent serait inversement proportionnel à la vertu : Enfin, en héritant de la maternité des œuvres cumulatives de Rimbaud et de Choderlos de Laclos, Cécile Angot deviendra la grande écrivaine qu’elle a toujours rêvé d’être sans jamais y parvenir.
Toute la question est maintenant de savoir quel insignifiant plumitif acceptera de porter le fardeau des romans de Houellebecq, cet impudent trousseur de tonkinoises…
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