Miaou

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La commune de Mézin accueille des malades de schizophrénie (TF1)

J’ai l’esprit pionnier et j’aime chevaucher dans les plaines virginales du Colorado ou dans les chemins boueux du Cotentin. C’est donc avec l’enthousiasme des grands défricheurs de terres stériles que j’ai accepté de me rendre dans la riante bourgade de Mézinzin (Lot) pour participer à un débat citoyen à l’invitation de son estimable maire, un personnage truculent, haut en couleur, un brin autoritaire et rancunier, toute la vigueur et l’énergie de nos vieilles provinces personnifiées, si n’était que cet éminent édile municipal, connu sous le sobriquet de Mistou, est un chat, oui, un bon gros chat.

La plantureuse sous-préfète du cru était venue me cueillir à la descente de l’hélicoptère et n’avait pas manqué de me narrer l’histoire édifiante de cette petite cité jadis florissante au bon vieux temps des seigneurs incestueux et belliqueux de Mézinzin dont la descendance finit à la Révolution dans la consanguinité, la débauche et le sang de la guillotine. Pour raviver les ruelles étroites de la ville endormie, l’idée avait germé vingt ans auparavant d’y acclimater une colonie médicalisée de personnes schizophrènes qui se montait aujourd’hui à quelques trois cents personnes, malades et personnels soignant, lesquelles vivaient et travaillaient en fort bonne intelligence avec le reste d’une population rurale héréditaire lourdement frappée par l’alcoolisme et les subventions agricoles. L’entente fut à ce point joyeuse et échevelée qu’à l’occasion des dernières élections municipales, l’ancien maire encore sain d’esprit fut enfermé dans un tonneau et roulé jusqu’au bas de la colline tandis que le scrutin consacrait la victoire sur le fil de Mistou, le chat le plus opulent et le plus sagace de Mézinzin, pourtant opposé au second tour à la personnalité populaire et influente mais par trop boiteuse du canard Napoléon.

Madame la sous-préfète tenta de s’opposer à cette étrangeté démocratique en arguant que la commune ne saurait être utilement dirigée par le chat Mistou mais il lui fut reproché par plusieurs association nationales d’utilité publique une attitude honteusement discriminatoire sur fond de spécisme et de validisme qui rappelait les heures les plus sombres de notre histoire. Après avoir présenté ses humbles excuses pour cette inacceptable offense, la sous-préfète, après consultation du Gouvernement, décida de laisser s’exprimer la démocratie mézinzinoise dans sa pleine et entière territorialité et le chat Mistou fut intronisé maire de Mézinzin sous les youyous d’une population délirante.

Je fus donc accueilli à la Salle des Fêtes par Mistou en qui je reconnus immédiatement le chat robuste et déterminé qui ne laisserait à personne le soin de torturer un mulot : une moustache drue, des pattes épaisses terminées de griffes puissantes, une oreille déchirée, un œil borgne, incontestablement, en tant que maire de Mézinzin, Mistou était bien le chat de la situation. Son premier adjoint était un chien, bâtard de caniche et rottweiler, dont on me susurra à l’oreille qu’il se prenait pour un chat. Le reste du conseil municipal était composé à parité d’hommes et de femmes dont le nombre avait été doublé puisque chacune et chacun disposait, en sus de sa personnalité, d’une autre personnalité, parfois aussi chatoyante que Marilyn Monroe, Cléopâtre ou Maître Gims. Le canard Napoléon siégeait dans l’opposition.

Personne ne peut douter que, dans ces conditions, le débat ne fut d’une très haute tenue, si haute parfois qu’il fallut requérir l’intervention des pompiers pour faire descendre certains participants de la charpente du toit sur laquelle ils s’étaient juchés. Des propositions innovantes vinrent alimenter notre grand débat national parmi lesquelles je retiendrais quelques fulgurances que je vous livre.

Monsieur Lagorné demanda expressément que des îlots cimentés fussent construits au milieu de la rue principale afin d’y favoriser la sieste qu’il entendait y faire chaque après-midi. La proposition fut approuvée juste avant que M. Lagorné ne s’endormît tandis que Jules César protestait contre la boulangère qui refusait d’entendre le latin. Le cantonnier Gerbert exigea qu’on l’équipât d’un gilet rouge car, dit-il avec un bon sens qui réjouira tous les cantonniers de France, il n’était pas du tout Gilet Jaune, étant déjà lui-même Ramsès II. Le canard Napoléon proclama « Coin coin ! » sous les applaudissements et grimpa sur le dos du premier adjoint. Un ancien de la commune qui se prétendait instituteur à la retraite, ce dont tout le monde doutait fortement, tonna contre la situation désastreuse du village et pria la sous-préfète et moi-même de renvoyer tous les dingues à l’asile, ce qui fut fait dans l’instant et ce mauvais coucheur fut emmené à l’hôpital psychiatrique le plus proche.

Le maire Mistou démontra son attachement aux valeurs républicaines en passant toute la soirée sur mes genoux sans laisser de me labourer les cuisses avec ses griffes. Après avoir partagé une coupe de Champomy avec l’assistance, je quittais la douce ville de Mézinzin en songeant à tout ce qui fait et fera la grandeur de la France.

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