Battre et débattre

Battre et débattre

Je sais ce que vous pensez. Depuis l’instauration du Ministère du Dimanche en octobre dernier, vous êtes frénétiquement admiratifs des développements ébouriffants qui dépassent les espoirs les plus échevelés de n’importe quel citoyen hirsute caparaçonné de jaune. D’une millitaxe sur le carburant, nous sommes passé au prix d’un effort national grandiose aux émeutes hebdomadaires puis à un grand débat dont l’acmé provisoire est l’animation de l’émission la plus décérébrante de la télévision française par une ministricule qui se compare à Galilée. À bon droit, vous me clamez : « Chapeau ! » et j’acquiesce humblement en vous assurant qu’aucune sueur laborieuse ne sera épargnée pour dépasser les sommets déjà atteints. Jugez-en plutôt.

Le Gouvernement a bien compris que l’heure patriotique est à l’unisson de deux exigences concomitantes : se battre et débattre. C’est pénétré de cette exaltante révélation que j’ai visité le laboratoire ultra-secret du colonel Troadec, ingénieur spatialiste réfrigéré et, en outre, cousin par le facteur d’un élu breton réputé. Le colonel en grande tenue de chasseur de la garde impériale m’a présenté sa dernière et redoutable invention que le Gouvernement envisage d’acquérir moyennant une taxe infinitésimale sur les yeux de verre dont le marché tendrait à exploser, je veux nommer ici : la batteuse-débatteuse.

La batteuse-débatteuse est une machine d’assez vaste configuration se présentant tel un abri de jardin surmontée d’une antenne parabolique strictement décorative. Construite en tôle renforcée, elle contient tous les trésors de notre glorieuse électronique nationale et se propose de conduire nos concitoyens de l’état initial de batteur et de débatteur vers celui envié et terminal de battu et débattu. Et cela en moins de quinze minutes pour une fournée d’une vingtaine d’individus.

Il suffit d’introduire nos compatriotes dans la machine installée sur la place d’un village galeux et de lancer les programmes successifs de l’appareil. Stimulés par des ondes courtes et des jets de plasma ainsi que par la diffusion d’images et de sons propres à l’élévation des esprits tels que des extraits de discours présidentiels, nos compatriotes sont ainsi invités à échanger des arguments innovants et à se foutre sur la gueule vertement durant la séance. Le programme prévoit toutes les combinaisons possibles réglables, telle une machine à laver, par une molette ergonomique : Se battre en débattant, battre en se débattant, débattre en se battant, rien n’a été laissé au hasard et les maires sauront recommander le programme le plus adapté à leur fuligineuse population.

En quinze minutes avons-nous dit, l’alternance de débats et de bagarres à l’intérieur de la machine aura permis à notre échantillon bien battu et débattu, de s’être mis d’accord sur la nécessité commune d’arrêter la séance et c’est la concorde au cœur et pétris d’idées novatrices que les citoyens épuisés certes mais émerveillés sortiront de la machine main dans la main prêts à relever ensemble les défis d’un avenir à l’horizon radieux.

D’ici quelques semaines, la batteuse-débatteuse du colonel Troadec sera à la disposition de la nation entière et permettra aux soixante-sept millions de Français moins quelques exotiques de contribuer utilement à la reconstruction de l’espérance nationale. Alors ? Qu’est-ce qu’on dit ?

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