Jaune et grand

Jaune et grand

Ah ! Oui la France reste bien ce phare du monde civilisé dont la destinée grandiose et tragique s’inscrit en majuscule au fronton du temple de l’Histoire ! France, mère des arts, des armes et des lois, fille aînée de l’Église et belle-sœur de ma concierge, quelle nation prétendrait rivaliser avec toi quand, sur une aussi courte semaine, le monde entier admire et imite ta révolution planétaire de Gilets Jaunes puis pleure les victimes du terrorisme islamiste !

Allah est-il jaune ? Les Gilets sont-ils akbar ? Qui est qui, qui tue qui, qui manifeste contre qui ? La confusion est générale, elle est portée à un tel sommet qu’elle confine à l’immanence : L’assassin de Strasbourg était-il islamiste sans être radicalisé, radicalisé sans être islamiste, était-il bandit de grand chemin ou soldat d’Allah, les experts se succèdent sur le plateau de BFM TV, ils énoncent, ils postulent, il s’infirment, se démentent. Gilet Jaune Libre ? Ou Gilet Jaune Libre Mais Pas Comme Les Autres ? Quelles revendications ? Quelle absence de revendication ? Les regards se perdent dans les vapeurs d’alcool, les vapeurs d’Allah, hagards et désœuvrés, sans rien comprendre de sa propre présence ici, là, ni ici, ni là-bas.

Tout ministre du Dimanche que je suis, je me suis posté à un rond-point avec ma limousine, mon chauffeur, mes deux motards d’escorte et j’ai ainsi entamé un dialogue avec les Gilets Jaunes : « Puisque vous êtes dans l’incapacité de nous révéler ce que vous revendiquez, dites-nous avec clarté ce que vous ne revendiquez pas ! » Passé le premier moment d’interrogation où les visages exprimaient bien ce qui pouvait s’assimiler à une réflexion de faible intensité, ils résolurent de se taper sur la gueule et les gnons échangés ne parvenaient pas à démêler la question posée des revendications et rien que le mot « revendication » vaguement murmuré au cœur de la bagarre suffit pour en redoubler l’intensité.

C’est alors que l’un d’eux me désigna du doigt, tandis que je courrais me réfugier dans mon Hummer blindé : « C’est lui ! Il nous a collé un attentat islamique sur le dos pour mieux nous poser ensuite des questions à la con ! Ils veulent nous faire taire en nous balançant un attentat aussi fortuit que miraculeux ! » Je parvins à regagner mon hélicoptère et à prendre la hauteur nécessaire à l’appréciation sereine d’une situation à ce point tapageuse. En bas, je voyais bien l’un des leaders du rond-point, brandissant une pancarte menaçante vers mon regard où je lisais, dans toute sa détermination froide et sa volonté d’acier, la formule suivante : « Stop à la Taxe Jihad ! »

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