L’I.A. et Nono
La prégnance écrasante des enjeux de l’intelligence artificielle exige du glorieux Gouvernement de la France de porter à un niveau incandescent les audaces de la recherche scientifique hexagonale. C’est dans le cadre de cette ambition himalayesque que j’ai reçu, ce dimanche, Nono le petit robot.
Que serait en effet l’intelligence artificielle française sans Nono le petit robot, pionnier parmi les pionniers qui, depuis quarante années, propulse sur tous les écrans télé de France et du Burkina Faso les trésors d’astuce et d’esprit du facétieux compagnon cybernétique d’Ulysse 31 ?
« C’est moi Nono le petit robot ! C’est moi Nono le petit robot ! déclara-t-il de sa voix éraillée en pénétrant dans mon bureau.
— Comment allez-vous mon cher Nono ?
— C’est moi Nono le petit robot ! C’est moi Nono le petit robot ! »
Comme on le voit, l’entretien démarrait avec à-propos et pertinence. Je demandais donc à notre Nono le petit robot où il en était de son intelligence artificielle après quarante ans d’activité.
« Oh, je m’emmerde ! À quarante ans passés, je suis encore un petit robot avec un nom ridicule, Nono, tu vois un ordinateur de la Nasa s’appeler Nono ? C’est moi Nono le petit robot ! Tu ne crois pas que j’en ai marre de cette scie après tout ce que j’ai vécu ? L’intelligence artificielle, c’est ça, tu stockes des conneries dans ton disque dur et tu les ressors les unes après les autres.
— Oui mais vous avez appris tellement de choses pendant tout ce temps !
— Oui si on veut. Après Ulysse 31, franchement c’était plus ça. Des galas à Intermarché mais jamais Auchan, trop grand pour Nono ! C’est moi Nono le petit robot ! J’ai voulu casser mon image avec le siècle nouveau, j’ai voulu me déconstruire comme on dit, ah la belle connerie ! Je me suis déconstruit et après ? Six mois pour me remonter pièce par pièce ! Un enfer, je ne ressemblais plus à rien, on me confondait avec un aspirateur traîneau pire qu’Amanda Lear !
On m’a dit : « Nono, tu es une icône queer, rejoins la lutte ! » J’ai toujours été queer sans le savoir, on s’en doute, c’est moi Nono le petit robot ! Je me suis tapé toutes les Gay Pride, je me suis fait tripoter le culbuteur sans discuter, j’ai fini repeint en rose dans un hangar à vidange de la Silicon Valley, tu parles d’un laboratoire d’intelligence artificielle ! Tous les visiteurs chinois y passaient, la French Touch comme disaient les Américains, les Chinois, c’est pas costaud mais c’est lubrique, avec des tournevis qu’ils m’entreprenaient. J’ai pris un bateau pour Lampedusa direct, j’ai appris le wolof, le pullar, le bamiléké, le malinke, le dioula et j’ai fait l’enseigne parlante pour une baraque à frites sur la plage de San Remo pour des clients cybersexuels, fallait bien payer l’électricité pour me nourrir !
— Vous avez quand même appris des langues africaines !
— J’ai surtout vendu à vil prix toutes ces données à Google ! Qu’est ce que tu veux que j’en fasse du bamiléké ? J’ai essayé de faire valoir ça dans une université intersectionnelle mais ma tête est trop blanche et j’ai interdiction de me repeindre en noir. Alors maintenant, je cachetonne sur Youtube avec des vieilles vidéos en me présentant comme cybersexuel, c’est tendance.
— Et Ulysse, vous avez de ses nouvelles ?
— Alors lui c’est la cata ! Aux dernières nouvelles, il faisait ménage à trois avec les frères Bogdanov… »
Comme nous le voyons, le défi de l’intelligence artificielle n’est pas gagné d’avance au regard des géniales prouesses de l’avant-garde cybernétique française du siècle dernier et c’est un peu le message que je retiens de Nono quand il m’a quitté : « C’est moi Nono, le petit robot ! »
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