Kanakophilie

Kanakophilie

Évidemment – quelle question ! – ma place aussi modeste qu’indispensable était en Nouvelle-Calédonie ce dimanche pour le referendum portant sur l’indépendance de ce territoire reculé et sablonneux. Accueilli à l’aéroport par une délégation de joyeux bagnards et de kanaks en chapeau à plumes, j’ai immédiatement affirmé avec force et passion que ma présence traduisait la volonté du gouvernement de rester neutre, sans force et sans passion face au déroulement d’un scrutin qui devait lui-même rester neutre, c’est-à-dire ne rien changer du tout.

La Nouvelle-Calédonie est incontestablement un pays lointain, prolifique et kanakophile où croissent des arbres géants au milieu desquels s’égayent les pingouins. Bien que le soleil se lève à l’Est aussi bien que chez nous, il apparaît cependant avec dix heures d’avance sur la France ce qui n’est pas une moindre prouesse astronomique. Les Kanaks semblent s’être accoutumés à cet énorme décalage même si j’ai pu lire sur les visages les signes d’une intense fatigue consécutive au fait d’être réveillé dix heures avant tout le monde. Le referendum, bien que résolument kanakocompatible, ne permettra cependant pas de résoudre cette inégalité solaire et on peut le regretter.

D’un point de vue kanakokanak, les chefs coutumiers m’ont réservé un accueil chaleureux, culinaire et mélodieusement kanakophonique avec danses et tambours. La visite du Conservatoire de l’Igname n’a pas manqué de me surprendre quand j’ai appris à déguster les cent-vingt espèces – oui, oui, cent-vingt ! – qui font la richesse kanakotuberculaire du territoire. Devant la détermination de mes hôtes à ne rien céder de cette longuette et écœurante dégustation, j’ai pu me désaltérer à mi-chemin avec un grand bol de kava, sorte de potion magique que le kanak s’envoie derrière la cravate à la nuit tombée pour faire de beaux rêves d’éléphants roses qui ne poussent pas dans la contrée. À titre personnel, je me suis effondré dans un hamac compatissant pour une kanakosieste matinale, lubrique et réparatrice.

Pour demeurer kanakopratique, le scrutin s’est déroulé sous les meilleurs auspices pacifiques tout en demeurant météorologiquement océanien. Les urnes en paille de coco brodées de couleurs chatoyantes ont été réparties dans tous les bureaux de vote du territoire et j’ai pu constater que la concorde régnait bilatéralement entre kanaks et caldoches chez qui je n’ai pas décelé le moindre résidu de kanakophobie. Se référant sans doute aux richesses minières du pays, l’un des chefs caldoches, petit homme blanc cis-genre de plus de cinquante ans plutôt brun mais aussi plutôt chauve m’a confié dans un clin d’œil : « Depuis maintenant trente ans, les kanaks sont nickels ! »

Après le scrutin, une kanakomobile nous a transporté jusqu’au siège délicieusement colonial du Haut Commissariat à Nouméa où un haut-commissaire d’un mètre soixante-cinq nous a gratifié d’un discours lénifiant sur les vertus médicinales de l’entente sacrée entre les communautés calédoniennes, discours auquel j’ai répondu par un autre non moins rasoir vantant les mérites de l’entente sacrée entre les communautés calédoniennes sur les vertus médicinales. Quoiqu’il en soit, force nous fut de constater, après force kava et Champomy, que la Nouvelle-Calédonie avait rejeté sans ménagement une indépendance illusoire et kanakodépressive.

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