Un décret salvateur
Il n’est pas interdit de penser que le premier décret que j’ai pris en tant que Ministre du Dimanche contribue à un niveau encore inégalé à l’ordonnancement rationnel et décisif des inaugurations du dimanche et mettant ainsi fin à une béance séculaire qui n’avait que trop duré.
Comment ne pas comprendre la noble colère républicaine de nos villes et villages devant le désordre et le clientélisme qui prévalait lorsqu’il s’agissait de s’assurer de la présence d’un ministre à une inauguration qui avait lieu un dimanche. Rendez-vous compte et je ne le lui ai pas envoyé dire ce matin même, que mon collègue Darmanin n’inaugure le dimanche que les événements qui se déroulent dans sa région d’origine nordique : et la foire de Douai, et l’école de Mers-les-Bains, et la foire à l’Ail Fumé d’Arleux, et la nouvelle mairie de Marchienne, non mais dites-moi, est-ce ainsi qu’un ministre de la République honore les merveilleuses initiatives dominicales de nos valeureux territoires en concentrant sa bienveillante présence endimanchée sur quelques kilomètres carrés ?
Ce temps-là est désormais révolu et je n’ai pas hésité à l’annoncer haut et fort ce dimanche à l’inauguration de l’Espace Chien et Gastronomie, dans cette si belle cité qui détenait le sinistre record de n’avoir jamais reçu de visite ministérielle un dimanche depuis 1836 !
Le nouveau décret établit donc que les inaugurations du dimanche seront désormais attribuées par ordre alphabétique des ministres avec l’ambitieux objectif que, d’ici deux années, la totalité des départements de France, de Navarre et des Colonies aura bénéficié d’une inauguration conjointement dominicale et ministérielle. Fini les ministres qui inaugurent toujours pour les mêmes, fini les ministres qui n’inaugurent jamais les dimanches. Et ce dimanche, Darmanin a bien été contraint d’inaugurer la nouvelle gare téléphérique de la vallée de l’Estéron dans les Alpes, loin, loin de Ch’Nord. La présence du ministre obéissant malgré tout à un calendrier serré, le téléphérique lui-même, qui sera installé l’année prochaine, n’a pu être inauguré en même temps que la gare. Un autre ministre s’en chargera.
Moi-même donc, je vous disais que j’avais inauguré en présence d’un préfet grognon bien obligé de se déplacer, le nouvel Espace Chien et Gastronomie en compagnie du maire enthousiasmé par la reconnaissance du bel effort que sa commune a consenti pour faire connaître et revivre ces savoir-faire ancestraux menacés d’une déplorable disparition que sont le cassoulet de caniche, la patte de teckel confite à l’ail, la fricassée de truffes sans oublier ces vieux métiers qui n’attendent que des nouveaux talents pour reprendre le flambeau des anciens : l’élevage du dogue français au piment d’Espelette biologique, la fameuse Gnôle du Terrier issue de la distillation des poils du Fox Terrier, riches en sucre comme on le sait et tant d’autres secrets qui sont autant de pépites de notre patrimoine national.
Cette manifestation bon enfant a bien été l’occasion d’un très léger malentendu, boursouflé à l’excès par les réseaux sociaux, quand le chihuahua de la préfète, une bestiole insignifiante, a été malencontreusement offert en lot de la tombola. Il avait été confondu avec une poule rousse. L’erreur fut vite réparée quand l’heureuse gagnante rapporta l’objet gesticulant de la méprise en déclarant : « J’en veux pas. Revenez l’année prochaine quand il aura grossi. »
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